Pour mémoire, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC – lire en note 1) est un outil de planification qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Dans la mise en œuvre de cette stratégie ambitieuse, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer notamment dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la mobilité, du logement, de la gestion des déchets ou encore de la production d’énergie renouvelable (ENR).
Comme le dit Olivier SICHEL, directeur de la Banque des Territoires (lire en note 2) ; ’’le réchauffement climatique et la crise énergétique nous obligent à accélérer le changement’’.
Côté immobilier, la tâche est d’une ampleur qui peut effrayer car l’État et les collectivités territoriales doivent rénover, partiellement ou en totalité, près de 400 millions de m² de bâtiments publics, majoritairement construits avant 1975.
Si en 2016, l’État a pris la saine décision de se doter d’une direction de l’immobilier (DIE – lire en note 3), rares sont les collectivités territoriales à avoir un tel outil de définition de leur politique immobilière, de pilotage de ladite politique et de mise en œuvre des missions de gestion et d’évaluation de leur patrimoine immobilier.
A titre d’exemple, à eux seuls les bâtiments publics détenus par les communes totalisent 81% de la consommation énergétique totale des collectivités territoriales (lire en note 4).
Comment les économistes de la construction pourraient-ils accompagner les collectivités territoriales dans la transition imposée par la SNBC ?
Les économistes de la construction sont des professionnels qui interviennent dans les projets de construction et de rénovation des bâtiments, en apportant leurs expertises sur les aspects techniques, économiques, environnementaux et réglementaires.
Ils peuvent accompagner les collectivités territoriales vers la SNBC en les aidant à :
- Définir leurs besoins et leurs objectifs en matière de performance énergétique et de réduction des émissions de GES ;
- Élaborer des scénarii et des solutions adaptés à leur contexte local, en tenant compte des contraintes techniques, financières, environnementales et sociales ;
- Évaluer les impacts environnementaux et économiques des différentes options, en utilisant des outils comme le bilan carbone et/ou le coût global ;
- Choisir les solutions les plus pertinentes et les plus efficaces, en optimisant les coûts et les bénéfices attendus ;
- Suivre et contrôler la qualité et la conformité des travaux réalisés, en vérifiant le respect des normes et des règles de l’art.
De par leur titre, les économistes de la construction assurent naturellement l’estimation des coûts d’un projet de construction ou de réhabilitation depuis sa conception et sur toute sa durée de vie.
Par ailleurs, ils suivent l’évolution des coûts de construction à grande échelle ou poste par poste et savent faire évoluer leurs estimations suivant la conjoncture et les aléas des marchés.
Que ce soit dans le neuf ou dans l’existant, ils peuvent contribuer à la transition écologique des territoires de plusieurs manières :
- En intégrant la dimension environnementale dans leurs études économiques par l’utilisation d’outils d’aide à la décision comme l’approche en coût global, laquelle permet de trouver un compromis entre aspects techniques et aspects financiers au moment de la programmation du projet, mais également de réfléchir à l’ensemble des coûts liés au bâtiment sur toute sa durée de vie (conception-construction-exploitation-déconstruction).
- En accompagnant les maîtres d’ouvrage publics dans le choix des modes de financement et de montage des projets de construction, de rénovation ou de réhabilitation, en tenant compte des objectifs de performance énergétique et environnementale, et en mobilisant les dispositifs existants comme les partenariats public-privé ou les subventions de l’État, de l’Union Européenne ou d’autres collectivités territoriales.
- En se formant aux enjeux de la transition énergétique et de la qualité de la construction, en participant aux actions territoriales mises en place par le programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique (PACTE – lire en note 5), qui vise à renforcer la compétence des professionnels du bâtiment sur le sujet de l’efficacité énergétique, afin de réduire la sinistralité et de promouvoir les solutions techniques les plus efficientes.
- En soutenant l’innovation dans le secteur de la construction, en s’appuyant sur le numérique développé par le plan pour la transition numérique dans le bâtiment (PTNB – lire en note 6).
- En contribuant à atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés à l’horizon 2050 par la SNBC, qui reposent principalement mais pas seulement sur la rénovation du parc de logement au niveau bâtiment basse consommation (BBC) et sur la réduction des consommations d’énergie du secteur tertiaire de 60 % grâce au dispositif éco-énergie tertiaire (lire en note 7).
Comment les collectivités territoriales peuvent-elles atteindre les objectifs de la SNBC ?
Dans le cadre de la SNBC qui fixe les orientations et les objectifs pour réduire les émissions de GES et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les collectivités territoriales, au vu de leur patrimoine immobilier, sont des acteur-clés de la transition écologique et énergétique, car elles ont la compétence politique et la proximité géographique pour mettre en œuvre des actions concrètes sur leur territoire.
Pour atteindre ces objectifs en matière d’immobilier, elles doivent s’engager dans des démarches volontaires de planification et de suivi de leurs émissions, en lien avec les citoyens, les entreprises et les autres acteurs locaux.
Elles doivent également mobiliser tous les leviers dont elles disposent en matière d’aménagement du territoire, de mobilité, de gestion des déchets, de production et de distribution d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique des bâtiments, de préservation de la biodiversité, etc.
La trajectoire carbone de la France fixée par la SNBC est ensuite déclinée via la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE – lire en note 8). En France, la production et la consommation d’énergie représentent en effet près de 70% des émissions de GES, le reste provenant principalement de l’agriculture (15%), des procédés industriels (10%), de la gestion des déchets (3%) et de diverses sources pour le solde (2%).
Il s’agit de décliner quantitativement, pour les périodes 2018-2023 (en cours) puis 2024-2028, les ambitions de la France en termes de maîtrise de la demande d’énergies fossiles, de développement des énergies renouvelables, ou encore de production d’électricité nucléaire par exemple.
Pour le moment, la contribution des collectivités territoriales à la définition et à la réalisation des objectifs assignés aux différentes filières par la PPE reste faible. Il s’agit pourtant d’une question essentielle pour concrétiser les orientations nationales, dès lors que ces collectivités sont directement responsables de 12% des émissions de GES (bâtiments et transports publics, par exemples) et que, par leurs compétences, elles ont une influence directe ou indirecte sur la moitié des émissions (aménagement du territoire, urbanisme, artificialisation des sols, etc…).
Ces mesures comprennent notamment des aides financières, des formations, des outils de suivi et d’évaluation, ainsi que des dispositifs de concertation et de coopération.
Pour y accéder, les collectivités territoriales doivent s’engager à respecter les objectifs suivants :
- Orientation TER 1 : Développer des modalités de gouvernance facilitant la mise en œuvre territoriale de l’objectif de neutralité carbone.
- Orientation TER 2 : Développer une offre de données permettant la comparaison des trajectoires de transition territoriales avec la trajectoire nationale.
Et en matière de bâtiments :
- Orientation B 1 : guider l’évolution du mix énergétique sur la phase d’usage des bâtiments existants et neufs vers une consommation énergétique totalement décarbonée.
- Orientation B 2 : inciter à une rénovation de l’ensemble du parc existant résidentiel et tertiaire afin d’atteindre un niveau BBC équivalent en moyenne sur l’ensemble du parc immobilier de la collectivité concernée.
- Orientation B 3 : accroître les niveaux de performance énergie et carbone sur les bâtiments neufs dans les futures réglementations environnementales.
- Orientation B 4 : viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété des usages.
De son côté, la Banque des Territoires met à leur disposition deux outils pour accompagner leur démarche : ‘’mon comparateur énergétique’’ et ‘’Prioreno’’ (lire en note 9).
Conclusion
Les économistes de la construction sont de véritables experts de la SNBC et peuvent ainsi contribuer à la transition écologique des collectivités territoriales en :
- les accompagnant dans cette démarche complexe,
- leur apportant leur point de vue indépendant,
- leur faisant profiter de leur savoir-faire et de leur vision globale des projets de construction et de rénovation des bâtiments, notamment par leur parfaite maîtrise du bilan carbone et de l’analyse du cycle de vie (lire en note 10 la précédente publication de l’OPQTECC sur ce thème) .
- Note 1 : SNBC
- Note 2 : Banque des Territoires
- Note 3 : Direction de l’Immobilier de l’Etat
- Note 4 : CEREMA
- Note 5 : PACTE
- Note 6 : PTNB
- Note 7 : Dispositif éco-énergie-tertiaire
- Note 8 : PPE
- Note 9 : Etude d’impact GES
- Note 10 : mon-comparateur-énergétique et Prioreno
- Note 11 : OPQTECC : bilan carbone & analyse du cycle de vie