LES COLLECTIVITÉS FACE AU DEFI DE LA SOBRIÉTÉ

LES COLLECTIVITÉS FACE AU DEFI DE LA SOBRIÉTÉ

Comme l’écrit le Ministère du Partenariat avec les Territoires et de la Décentralisation dans le Plan Bâtiment Durable : « bien qu’elle soit un pilier de la transition énergétique, la sobriété ne peut soutenir cette transition à elle seule. Elle doit être combinée avec des politiques fortes en termes d’efficacité énergétique et de réduction de l’utilisation des énergies fossiles afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050 ».

De son côté, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT – note 1) indique dans un récent rapport : «L’objectif de sobriété ne se résume pas à la modération des consommations d’énergie pour faire face aux pénuries et à l’explosion des prix. Le concept, en réalité beaucoup plus global, questionne nos modes de vie. Touchant toutes les thématiques de l’action publique locale, il désigne les collectivités comme les principaux acteurs d’une démarche qui peut améliorer la qualité de vie des citoyens de chaque territoire. »

Premiers niveaux de l’action publique, les collectivités territoriales, notamment les communes et les communautés d’agglomérations, doivent intégrer une démarche globale de transformation des modes de vie des citoyens et des entreprises de leur territoire, sans oublier les agents de leurs propres administrations.

En ce sens, il est nécessaire d’appréhender la notion de sobriété dans son sens large : économies d’énergies et d’eau, limitation des ressources et préservation des espaces tout en obtenant l’adhésion des citoyens.

La sobriété énergétique

Co-piloté par l’Agence de la Transition Ecologique (ADEME – note 2) et le Plan Bâtiment Durable et réalisé par l’Institut Français pour la performance du bâtiment (IFPEB – note 3) assisté de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID – note 4), le rapport portant sur le secteur tertiaire (note 5) a fourni une meilleure compréhension des enjeux liés aux mesures de sobriété à travers l’identification des freins et des leviers relatifs à la période 2022/2023. Il a aussi identifié une série d’actions détaillées afin de mieux outiller les acteurs de la filière dans leur démarche de sobriété.

En octobre 2022, dans le contexte de tensions sur les approvisionnements et les prix des énergies, l’État a présenté un plan de sobriété global. Celui-ci fixe un objectif de réduction des consommations énergétiques et les collectivités territoriales sont appelées à prendre leur part.

S’il est nécessaire de rappeler toutes les multiples actions visant à économiser les énergies, consulter les sites du CEREMA et du gouvernement (note 6) est utile pour tendre vers l’écoresponsabilité des collectivités pour leurs bâtiments, notamment tertiaires.

En ce sens, L’Association des maires de France (AMF), en partenariat avec la Banque des territoires et l’association Amorce (note 7), a publié un guide de dix actions visant la sobriété applicables dès cet hiver.

Présentées sommairement dans le tableau ci-après, ces quelques mesures sont incontournables pour les collectivités confrontées à une augmentation annuelle de l’ordre de 11 milliards d’euros de leurs dépenses liées à l’énergie.

Le problème avec ce plan aussi simple qu’efficace est qu’il focalise l’attention les agents des collectivités sur des mesures de réduction des consommations à court terme, sans prendre en compte d’éventuels effets collatéraux comme l’effet rebond (ou paradoxe de Jevons – note 8).

Lequel effet met en évidence une réalité troublante : l’économie d’énergie peut parfois inciter à une consommation accrue. Ce phénomène est particulièrement visible dans les secteurs où l’amélioration de l’efficacité énergétique (bâtiment mieux isolé) entraîne paradoxalement une augmentation de la consommation globale (on ne surveille plus la température du chauffage).

Sans incitation directe des personnels des collectivités et sans tableau de bord lisible par eux et les élus, l’effet rebond aura un impact significatif sur l’efficacité des politiques d’investissement dans la transition énergétique, limitant ainsi leurs effets futurs escomptés.

Pour éviter ces conséquences néfastes, un des enjeux majeurs pour pérenniser les enjeux de sobriété nécessite donc d’organiser ce changement dans une démarche de moyen et long terme où, en parallèle de celui des agents, il est essentiel d’évaluer le rôle des usagers que sont les citoyens et de leur fournir une information claire et suivie, notamment lorsque les élus doivent argumenter leurs décisions et sont confrontés à l’acceptabilité sociale de certaines restrictions d’usage pour des populations qui sont déjà en situation de sobriété contrainte.

Quid des autres chapitres de la sobriété ?

a/ La sobriété hydrique

Face aux enjeux liés au changement climatique et à la raréfaction de la ressource en eau, les collectivités territoriales ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de la sobriété hydrique.

Les actions qu’elles peuvent mettre en œuvre en ce sens sont :

  • La sensibilisation et l’information des citoyens, y compris de leurs agents par des campagnes de communication sur les enjeux de la préservation de l’eau et aux gestes simples à adopter au quotidien, lesquels peuvent être développés dans des ateliers et des événements sans oublier des présentations dans les écoles de programmes éducatifs pour sensibiliser les jeunes générations à la gestion de l’eau.
  • L’aménagement du territoire avec une gestion différenciée des espaces verts en fonction du climat local et des types de sols, la récupération des eaux de pluie et l’implantation de noues et de bassins de rétention pour limiter le ruissellement et, comme l’actualité récente s’en est fait l’écho, se préserver des inondations.
  • La rénovation des réseaux d’eau pour réduire les fuites et optimiser la distribution.
  • Le suivi et l’optimisation des consommations par une tarification progressive pour inciter les citoyens à réduire leur consommation individuelle sans oublier le suivi des consommations des bâtiments publics pour impliquer leurs gestionnaires et occupants en identifiant des gisements d’économies possibles.

  • Améliorer le partenariat et la coopération avec les acteurs de l’eau en travaillant en étroite collaboration avec les entreprises de distribution d’eau, les agences de l’eau et les associations environnementales pour mettre en œuvre des actions conjointes.
  • Échanger de bonnes pratiques : Participer à des réseaux et associations de collectivités pour partager les expériences et les bonnes pratiques en matière de gestion de l’eau.
  • b/ La sobriété patrimoniale

    La sobriété patrimoniale et foncière est un concept de plus en plus présent dans les débats sur la transition écologique et la gestion des ressources. Propriétaires d’un important parc immobilier, les collectivités territoriales sont invitées à repenser leur rapport à la construction et à l’occupation de l’espace public. Il s’agit d’adopter une approche plus raisonnée et durable de leur patrimoine, en privilégiant la rénovation, la réutilisation, le changement d’usage et l’optimisation des bâtiments existants plutôt que la construction de nouveaux bâtiments.

    La mise en œuvre de la sobriété patrimoniale doit permettre :

    • La réduction de l’empreinte environnementale par la diminution de la consommation de ressources (matériaux, énergies) et la réduction de la production de déchets. Mais aussi en mutualisant les espaces et les services entre les différentes collectivités
    • La maîtrise des coûts par la rénovation souvent moins coûteuse que la construction neuve tout en limitant l’artificialisation des sols.
    • La valorisation du patrimoine bâti par l’adaptation des bâtiments aux nouveaux usages et aux enjeux d’aménagement avec, en bonus, l’effet d’entrainement vertueux des collectivités qui savent le faire savoir.
    • L’amélioration du cadre de vie par la rénovation ou la création de lieux et espaces plus agréables et plus durables, en favorisant la verdure et les mobilités douces.
    • La planification urbaine et territoriale en intégrant la sobriété patrimoniale et foncière dans leurs documents d’urbanisme (PLU, SCOT, etc…), en définissant des zones de densification prioritaires pour limiter l’étalement urbain et en encourageant la mixité des fonctions (habitat, commerces, services) au sein des bâtiments existants et lors de leur rénovation.

    Les collectivités territoriales peuvent s’appuyer sur des professionnels tels que les programmistes et les économistes de la construction pour les aider dans cette sobriété patrimoniale. La maîtrise des coûts, la réduction de l’empreinte environnementale, la valorisation du patrimoine bâti pour un usage optimisé et pertinent sont le cœur de métier de ces professions. Dans le cadre d’un projet de ce type, recourir à des programmistes et économistes de la construction qualifiés OPQTECC est, pour une collectivité territoriale la garantie d’une assistance à maîtrise d’ouvrage neutre et impartiale, l’indépendance de ses qualifiés étant un prérequis de l’OPQTECC. C’est également la garantie d’une prestation de qualité grâce aux exigences de formation continue, de références professionnelles, de satisfaction des donneurs d’ordre, vérifiées par l’OPQTECC.

    Naturellement, d’autres axes de déploiement de la sobriété existent dans les collectivités : ressources humaines, action sociale et solidarité, culture, éducation, sport, communication, etc… Mais le présent article n’a pas pour objet de traiter des économies qui y sont – ou pas – possibles.

    Pour une conception systémique à moyen et long terme de la sobriété

    En sus des actions énoncées ci-avant, les collectivités doivent appréhender la sobriété à moyen terme (ex : réduire leurs consommations d’énergie entre 40 et 60% d’ici 2050) et à long terme (ex : contribuer à limiter le réchauffement climatique à +1,5°c à l’horizon 2100).

    Le dernier rapport du GIEC développe ses projections (note 9) pour le long terme et l’étude « Transition 2050 » de l’ADEME détaille celles-ci (note 10) pour le moyen terme.

    Dans ces documents, un autre concept de sobriété est avancé. En complément des mesures « court-termistes », il y est avancé que la sobriété doit être pensée comme un concept systémique posant, préalablement à toute décision et mesure, le questionnement des besoins en se projetant dans le futur pour adapter les politiques publiques aux modes d’habitat, de production, de déplacement et de consommation de demain et d’après-demain.

    Essayer de pratiquer cet exercice de « futurologie » n’est pas chose aisée, l’occulter est pire.

    La sobriété comme axe majeur du projet territorial

    Parce que proches des citoyens et des réalités du terrain, les collectivités sont les mieux placées pour interroger les besoins actuels et à venir.

    Dans ce but, elles ont vocation à se doter de politiques territoriales en rédigeant les plans de sobriété où elles se fixent des objectifs clairs, en communicant sur ceux-ci, en les évaluant de manière continue, en capitalisant sur leurs bonnes pratiques, en tirant les enseignements de leurs erreurs et en intégrant les différentes formes de la sobriété dans leurs outils d’organisation, de planification et d’urbanisme.

    Pour réussir, il leur faudra passer par un gros travail de sensibilisation du public et de formation de leurs agents pour en finir avec le concept d’une sobriété synonyme de décroissance, d’obstacle au développement économique et de baisse d’attractivité des territoires.

    La sobriété doit se traduire en mesures acceptables voire désirables pour les citoyens et les entreprises sans que celles-ci ne nuisent, comme déjà dit ci-dessus, aux populations les plus précaires déjà en situation de sobriété contrainte.

    En résumé, une mise en perspective de la sobriété valorisant, par exemples, l’amélioration du cadre de vie, les gains de convivialité et de lien social et les économies bénéficiant au pouvoir d’achat des citoyens et à la baisse des budgets des collectivités doit permettre à celles-ci de convaincre le plus grand nombre qu’un autre modèle économique plus sobre et plus respectueux de la Planète, adapté et applicable au contexte local, est possible et qu’il peut participer efficacement au « mieux vivre ensemble ».

    Dans la même catégorie...

    17 décembre 2024
    L’économie de la construction et la biodiversité
    La @CRCC de Normandie (Compagnie Régionale des commissaires aux Comptes) organisait le 9 décembre dernier un webinaire sur le thème « Biodiversité : le vivant et l’entreprise, un duo gagnant ». Ce webinaire,...
    20 novembre 2024
    Renouvellement de la convention avec l’AITF
    Nous sommes très heureux de vous informer que notre convention de partenariat avec l’AITF (Association des Ingénieur.e.s et Ingénieur.e.s en chef Territoriaux de France) a été renouvelée lors du Salon...
    5 septembre 2024
    LES MATERIAUX BIOSOURCES -Interview d’Emmanuel Lafaye
    Les matériaux biosourcés sont aujourd’hui au cœur des discussions dans le monde de la construction. L’OPQTECC a souhaité en savoir davantage sur ce sujet et a interviewé Emmanuel Lafaye, Dirigeant...