Edito – Bilan Carbone / Analyse du Cycle de Vie

Edito – Bilan Carbone / Analyse du Cycle de Vie

L’analyse du Cycle de Vie

La lutte contre le dérèglement climatique, qui en France a donné la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC – note 1), est un sujet qui s’est imposé au centre des priorités des décideurs, tant publics que privés. Nombreux sont ceux qui souhaitent mettre en place une politique active résolument orientée en faveur de la protection de l’environnement et de la biodiversité, sans oublier la réduction drastique des gaz à effet de serre (GES) et des économies d’énergie substantielles.

La prise de conscience accrue de l’importance du développement durable et des impacts associés aux produits fabriqués et consommés, a augmenté l’intérêt pour le développement de méthodes destinées à mieux comprendre ces impacts et à y remédier. Démarche crédibilisée et popularisée dans les années 1990, l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) est une méthode d’évaluation normée des impacts environnementaux des produits et processus. Basée sur une approche fonctionnelle multicritères, l’ACV est un outil d’aide à la décision fiable, dont les résultats permettent de comparer plusieurs solutions de process ou familles de produits.

Elle peut être utilisée pour des besoins d’éco-conception, d’affichage environnemental, ou encore d’orientation des politiques publiques dans le choix de filières, de critères d’éco labellisation des solutions et produits, en passant pour les fabricants par l’optimisation de la production et pour les consommateurs l’utilisation économe jusqu’au recyclage ou la déconstruction.

Le Management Environnemental

Pour permettre une mise en œuvre efficace de l’ACV, celle-ci doit s’inscrire comme un outil de la politique de management environnementale de l’organisation concernée.

Des normes bien connues comme la série ISO 14000 apparaissent ainsi comme des supports et listes de directives pour mettre en place un système de management environnemental (SME – note 2 et annexe en fin de document).

Dans l’optique de faciliter et d’aider les organisations dans leur démarche environnementale, l’AFNOR a publié la norme NF X30-205 (note 3). Elle décrit la mise en place par étapes d’un système de management environnemental (SME). Elle peut s’appliquer à tout type d’organisme, quel que soit sa taille, sa nature, son activité, sa localisation et décompose les étapes de mise en place du management environnemental en trois niveaux comportant chacun un certain nombre d’exigences et d’actions à mettre en place pour réussir un SME.

A quoi l’ACV peut-elle être appliquée ?

A un bien : produit, ensemble de produits, bâtiment, système …

A un service : distribution de l’énergie, de l’eau, logistique, transport de personnes …

Pourquoi réaliser une ACV ?

Elle va permettre à une organisation (industriel, promoteur, acteur public .. ) qui décide de la (faire) réaliser :

  • d’améliorer le processus de fabrication d’un bien (produit, bâtiment, système..) en diminuant les consommations de matières premières ou transformées ;
  • d’optimiser les ressources logistiques, humaines et l’ensemble des coûts ;
  • d’améliorer son positionnement en affichant une stratégie environnementale vertueuse ;
  • de communiquer sur ses performances environnementales avec les parties intéressées dans le cadre de sa RSE ;
  • de répondre aux nouvelles attentes des clients et des consommateurs ;
  • de respecter les lois en vigueur voire d’anticiper certaines à venir.

Cadre normatif de l’ACV

Les normes ISO 14040 et 14044 décrivent la méthode de travail, en présentant les différentes options pour la réalisation des Analyses de Cycle de Vie :

  • ISO 14040 : Management environnemental – ACV – Principes et cadre (note 4),
  • ISO 14044 : Management environnemental – ACV – Exigences et lignes directrices (note 5)

Cette série de normes permet de réaliser des ACV qui soient crédibles et reproductibles. Ces deux critères sont essentiels pour la pérennité de leur pratique et leur prise en compte par les décideurs.

Pour les produits de construction, on se réfèrera à la norme NF-EN 15804 (note 6) qui explicite les règles régissant les catégories pour la réalisation de leurs déclarations environnementales.

Et pour le bâtiment en général, c’est la norme NF-EN 15978 (note 7) qui fournit la méthode de calcul reposant sur l’ACV et d’autres informations environnementales quantifiées. Elle permet d’évaluer la performance environnementale d’un bâtiment à construire, existant ou à rénover et indique comment élaborer le rapport et communiquer les résultats de cette évaluation.

Ainsi dans le bâtiment, l’ACV peut participer :

  • à l’identification des possibilités d’amélioration des performances environnementales des biens et de leurs constituants à différentes étapes de leur cycle de vie,
  • à l’information des décideurs (par exemple à des fins de planification stratégique, d’établissement des priorités),
  • au choix d’indicateurs de performances environnementales pertinents, y compris les techniques de mesure de celles-ci, et
  • au marketing (par exemple la mise en œuvre d’un système d’écolabel pour un immeuble, d’une classification en matière d’environnement ou d’une déclaration environnementale relative à un produit ou un procédé).

La norme 14040 spécifie les principes et le cadre applicables à la réalisation d’ACV comprenant :

  • la définition des objectifs et du domaine d’application de l’ACV,
  • la phase d’inventaire du cycle de vie,
  • la phase d’évaluation de l’impact du cycle de vie,
  • la phase d’interprétation du cycle de vie.

S’y ajoutent :

  • la communication et la revue critique de l’ACV,
  • les limitations de l’ACV,
  • et la relation entre les phases de l’ACV.

Nota Bene : les applications ne relèvent pas de la démarche normée.

L’ACV étape par étape ; quels prérequis pour la réussir dans le secteur du bâtiment ?

  1. Définition des objectifs et du champ de l’étude

Dès le début de celle-ci, les objectifs et les utilisations des résultats de l’ACV envisagée doivent être clairement explicités. La qualité du résultat dépend directement de la clarté de l’objectif, lequel doit être de permettre la comparaison de solutions entre elles.

Pour répondre à l’étape N°1, commencer par bien choisir l’unité fonctionnelle (UF) que la Norme ISO 14044 définit comme : « performance quantifiée d’un système de produits destinée à être utilisée comme unité de référence et de comparaison ».

Ou autrement dit, l’UF est l’unité de référence utilisée pour quantifier la performance du service rendu par un produit à l’utilisateur. Ainsi, l’UF doit comprendre : 

  • L’identification de la (des) fonction(s) étudiée(s) du produit. Cette (ces) fonction(s) doit (doivent) décrire le service rendu à l’utilisateur.
  • Le niveau de performance ou d’exigence atteint par la (les) fonction(s). Ce niveau doit être quantifié. Il peut être déterminé par rapport aux normes applicables au produit.
  • La durée de vie de référence (DVR).

L’unité fonctionnelle utilisée pour l’ACV d’un bâtiment décrit le système étudié, elle sert de référence pour l’analyse en intégrant le ou les bâtiments avec sa parcelle et sa durée de vie de référence (50 ans pour la RE2020). Les produits et équipements qui ont une durée de vie inférieure à cette dernière, devront donc être remplacés autant de fois que nécessaire jusqu’à la fin de vie de l’ouvrage. L’utilisation de produits issus du réemploi permet de diminuer les différents impacts du bâtiment.

  • Analyse de l’inventaire de cycle de vie (ICV)

Inventaire des flux de matières et d’énergies entrant et sortant associés aux étapes du cycle de vie rapporté à l’unité fonctionnelle retenue. L’ICV peut être qualifié de comptabilité analytique des flux (matériaux, déchets, consommation énergétique, d’eau, d’émissions de GES…) et doit permettre de créer, ou compléter, le fichier de collecte des données.

2. Evaluation des impacts

L’évaluation des impacts potentiels se fait à partir des flux matières et énergies recensés permettant leur traduction en indicateurs d’impacts environnementaux tels que le potentiel de réchauffement climatique, de pollution de certains écosystèmes…

La méthode d’évaluation couvre toutes les phases du cycle de vie d’un bâtiment et repose sur les données obtenues à partir des déclarations environnementales sur les produits (DEP), de leurs modules d’informations (Normes EN 15.804 et 15.978) et des autres informations nécessaires en rapport avec l’évaluation.

Une des principales difficultés dans la réalisation d’une ACV est de parvenir à collecter des données fiables et représentatives de la réalité du processus analysé. Lorsque ce n’est pas possible, parce que la donnée n’est pas accessible ou bien par exemple lorsqu’elle relève de la modélisation du comportement du futur utilisateur et que celui-ci est mal connu, une analyse de sensibilité est effectuée : on fait varier la donnée concernée dans le but d’évaluer la sensibilité des résultats à cette donnée. Si cette sensibilité est faible, une approximation forte n’est pas problématique. En revanche si cette sensibilité est forte, il peut être nécessaire de fournir un effort supplémentaire pour obtenir une donnée plus précise ou considérée comme plus proche de la réalité, d’où la démarche incrémentale inhérente à l’approche ACV et recommandée par l’ISO.

Appliqué au secteur du bâtiment, on peut représenter l’évaluation comme ci-dessous :

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3. Interprétation des résultats

L’étape 4 est itérative avec les 3 précédentes de manière à toujours valider que les résultats obtenus permettent de répondre aux objectifs de l’étude (par exemple, il arrive que la non-disponibilité de certaines données puisse conduire, en cours d’étude, à restreindre le champ de celle-ci. C’est également ici que l’on tentera d’évaluer la robustesse des résultats (en réalisant par exemple des analyses de sensibilité ou crash tests), notamment pour s’assurer que les incertitudes et variabilités qui y sont liées sont bien d’un ordre inférieur à celui des différences constatées entre les performances environnementales des différents systèmes étudiés.

Quels apports de l’ACV pour les membres de l’OPQTECC ?

L’ACV est pertinente pour évaluer les impacts environnementaux car multi-échelle et multicritère si :

  • l’objectif de l’étude et sa portée sont bien définis,
  • la réalisation du bilan matières-énergies du système étudié pour le périmètre retenu est faite par des experts compétents,
  • ce bilan global matières-énergies est correctement traduit en impacts sur l’environnement en utilisant des indicateurs environnementaux reconnus,
  • dés le départ de l’analyse, la communication des résultats est formatée et ciblée pour être aisément exploitée et reproductible.

Comme on le voit sur le tableau ci-après, l’OPQTECC est un acteur essentiel de la chaine de valeur du secteur du bâtiment.

Et son action peut être utile à de nombreux contributeurs à l’étude de l’ACV en vue de la modélisation d’un bien immobilier (note 8).

L’ACV étant l’outil indispensable pour mettre en œuvre une politique de coût global, partiel ou étendu, c’est naturellement une qualification de la nomenclature OPQTECC.

Note 1 : Stratégie Nationale Bas Carbone

Note 2 : Système de Management Environnemental

Note 3 : Norme NF 30-205

Note 4 : Norme ISO 14040

Note 5 : Norme ISO 14044

Note 6 : Norme NF-EN 15804

Note 7 : Norme NF-EN 15978

Note 8 : Exemple de modélisation d’ACV bâtiment – One Click LCA

Annexe : Le principe « PFVA » des normes ISO 14000

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