Matthieu Lamy, président de l’OPQTECC, est intervenu dans le magazine Économie & Construction de l’Untec. Dans son interview, il revient sur le rôle clé de l’organisme auprès des professionnels, l’actualité des qualifications et les perspectives pour l’avenir. Retrouvez ici l’intégralité de son intervention.
Économie & Construction / On entend souvent parler de la simplification et la modernisation des démarches de qualification, où en êtes-vous sur le sujet ?
Matthieu Lamy / La simplification est une demande récurrente de nos adhérents. Mais simplifier ne veut pas dire baisser la qualité des certifications.
La première mesure prise concerne la constitution des dossiers de qualification des entreprises. Aujourd’hui tous nos adhérents peuvent présenter des dossiers qui ont jusqu’à six ans d’ancienneté, avant c’était quatre ans.
Quelqu’un qui fait son métier depuis 25 ans, en principe il le connait et s’il a mené des projets dans le domaine de la nomenclature concernée au cours de six dernières années, il a la compétence.
Prenons l’exemple d’une mission d’OPC, bien souvent vous êtes occupé à mi-temps ou quasi-temps plein. Un économiste de la construction qui a deux ou trois salariés, ce qui est le cas d’une bonne partie de nos adhérents, peut se retrouver avec une part très importante de son temps occupée par cette activité. C’est légitime quand on est chef d’entreprise de prendre ce type de dossier, mais ça ne l’est pas de faire perdre la qualification à cette personne juste parce qu’elle a eu un raisonnement de chef d’entreprise tout à fait normal.
Si on extrapole ça à d’autres types de missions, il paraît évident qu’on ne peut pas demander aux entreprises d’avoir tout le temps un grand nombre de dossiers ou alors cela serait des petits projets en grand nombre sur une courte période. Ce qui a mon avis ne reflète pas non plus une compétence plus forte.
La seconde avancée concerne donc la réduction du nombre de dossiers à deux projets en six ans et c’est tout – cela quelle que soit la qualification. Le fait d’avoir deux projets, automatiquement, vous pouvez être qualifié dans n’importe quel domaine de la qualification de la nomenclature.
Selon la même logique, nous avons ouvert la possibilité de constituer un dossier de qualification avec un seul projet de référence dit « Grand projet ».
La qualification de « Grand projet » relève de la décision de la commission de qualification qui est constitué de chacun de nos collèges de référence et en particulier les maîtres d’ouvrage et les représentants de pouvoirs publics.
Un gros effort a également été fait sur la réduction du volume de documents demandés. Nous demandions aux adhérents de produire :
• un bilan chaque année pour pouvoir apprécier la robustesse de leur société ;
• un compte de résultat pour pouvoir vérifier leur niveau de chiffre d’affaires.
Je n’étais pas convaincu de l’utilité de ces documents et le conseil d’administration m’a également suivi sur ce point, considérant que la déclaration du chiffre d’affaires faite aux assurances est largement plus probante. Nous avons donc supprimé tout le reste ! Ces mesures ont été votées à l’unanimité du conseil d’administration qui est constitué majoritairement (en termes de droit de vote) des maîtres d’ouvrage, qui sont des clients et des représentants de l’État.
Elles ont déjà été mises en application à compter de 2021. Tous les dossiers présentés à compter de cette année, ont donc été acceptés par le conseil d’administration ainsi que le Cofrac qui a renouvelé son accréditation.
Nous allons continuer à simplifier si cela est encore possible, mais pour la plupart des thématiques il est compliqué d’aller beaucoup plus loin.
Il reste le sujet de la formation dont j’ai beaucoup entendu parler. Mais j’ai du mal à voir comment on pourrait faire moins de 50 % du minimum légal comme l’ont mis en place mes prédécesseurs. Il faut en revanche adapter les modalités pédagogiques et les coûts de formation comme nous l’avons fait avec le Mooc Untec Services.
Depuis un an nous avons un catalogue de Mooc de formations avec quasiment toutes les thématiques possibles (énergie, métiers de l’économie et la construction…). Nous avons un panel de formations qui touche toutes les personnes qui font de l’économie.
É & C / Comment allez-vous renforcer votre présence et votre visibilité auprès des économistes de la construction ?
M L / Notre présence et notre visibilité passent par des actions en collaboration avec l’Untec : présence de l’OPQTECC à tous les congrès de l’Untec, la lettre envoyée avec le magazine E&C, des newsletters mais aussi des évènements programmés avec Untec Services comme des webinaires techniques où l’OPQTECC va présenter des actualités importantes de la profession.
L’Untec est pour nous le canal naturel pour s’adresser aux économistes et je souhaite, dans le cadre de mon mandat au bureau exécutif de l’Untec, encore renforcer cette collaboration.
É & C / Le métier d’Économiste de la Construction évolue. Comment intégrer ces évolutions ?
M L / Le métier évolue sur plusieurs sujets. Il évolue dans les prestations qui sont faites. Il y a une évolution complète dans la façon dont les professionnels travaillent.
La notion d’entrepreneur individuel tend à disparaître. On se structure de plus en plus car on a besoin de logiciels, de formations, d’être capable de faire levier sur une pluridisciplinarité plus forte.
Les missions de l’économiste évoluent également. On voit de plus en plus se développer les qualifications en assistance en maîtrise d’ouvrage en collaboration avec un architecte mandataire ou apparaître des évolutions en termes de pratiques, notamment autour du coût global. Les deux problématiques qui reviennent souvent sont l’énergie et la maintenance. Sujets qui n’étaient pas tellement traités par les économistes il y a quelques années.
Pour tenir compte de ces évolutions, de nombreuses qualifications ont été créées et connaissent un grand succès. Nous avons par exemple créé la mention « Développement Durable » pour contrer la tendance au Green washing, qui de manière un peu cosmétique et caricaturale se résume à mettre une ruche sur un toit d’immeuble.
L’OPQTECC dans sa mission est là pour dire ce qui est de ce qui ne l’est pas. Donc celui qui est qualifié n’est pas celui qui fait du Green washing mais celui qui a respecté des critères définis.
É & C / Par quels moyens comptez-vous valoriser la profession d’économiste de la construction ?
M L / C’est un vrai sujet car pour moi c’est la mission la plus importante de l’OPQTECC. Nous avons fait un benchmark pour étudier les marchés publics. Nous voulions voir comment avait été utilisée la qualification de l’économiste.
Cette étude a porté sur pratiquement l’intégralité des publications qui ont été faites au BOAMP depuis février 2021 jusqu’à aujourd’hui. Moins d’un tiers font référence à un économiste de la construction qualifié. Nous avons encore du travail ! Et ça, je considère que c’est la mission de l’OPQTECC, c’est sa raison d’être. Que finalement on puisse dire « on prend un économiste de la construction qualifié OPQTECC ».
La valorisation du métier de l’économiste est le sujet le plus important. L’OPQTECC, doit dans sa mission, initier une dynamique qui affirme que l’économiste est indépendant, qualifié et indispensable à l’acte de construire.
Cela passe par la réaffirmation par notre ministère de tutelle du protocole du 10 novembre 1965 liant l’État à l’OPQTECC ; protocole par lequel l’État indique que l’OPQTECC est le seul organisme de qualification des économistes de la construction. La cheffe du bureau en charge au ministère a été désignée depuis décembre 2020 pour participer à tous nos conseils d’administration pour marquer le soutien de l’État sur cette question. Cela passe également par la réaffirmation de ces mêmes principes par nos partenaires naturels, l’association des ingénieurs territoriaux ou l’association des techniciens territoriaux de France.
Nous allons aller plus loin. Un certain nombre d’autres structures nous rejoignent en tant que maître d’ouvrage car elles souhaitent s’inscrire dans une démarche de sélection d’entreprises sur la base de critères objectifs et vérifiés.
Pour s’assurer que l’entreprise est compétente il est nécessaire de s’appuyer sur les qualifications. Parmi nos nouveaux adhérents nous comptons : LCA-FFB, la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France ou encore l’association des Maires de France.
É & C / Matthieu Lamy votre mot de la fin ?
M L / Nous cherchons en permanence à réinventer un peu la roue, à aller toujours sur des thématiques nouvelles. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier la base.
La transition énergétique et toutes ces questions sont des sujets très importants mais si on n’a pas le budget pour faire le projet il ne se fera pas. Donc, si on n’a pas un économiste pour suivre le projet du début à la fin ça risque d’être compliqué ! Sur ce dernier sujet, de valoriser la profession d’économiste, il y a encore de nombreuses choses à faire. Si des professionnels suivent nos actualités et actions sur les thématiques et souhaitent proposer leur aide et/ou des idées, ils sont les bienvenus !